dimanche 18 avril 2010




Mon cœur a longtemps été un buffet à volonté.

Je me le suis fait bouffer sans vergogne, déchirer, mastiquer, roter, renvoyer. Les hommes sont rentrés dans ma vie comme dans un restaurant chinois cheap qui vous propose de vous gaver de petites boules de pâte beige couvertes de sauce rouge gluante jusqu’à ce que votre panse explose, le tout pour seulement 12,95$. Ces messieurs, une fois repus, sont aussitôt repartis, sans prendre la peine de laisser de pourboire, évidemment. «Pour qu’est-c’est faire qu’on lui donnerait de l’argent à elle, tout ce qu’elle a fait, c’est nous apporter de l’eau. Y’a fallu que je me lève quatorze fois pour aller me chercher mon manger.»

J’ai aimé comme une boulimique, à m’en faire vomir. C’est cliché, c’est connu, les filles mangent leurs émotions, et elles aiment particulièrement quand leur tristesse et leur colère goûtent le chocolat. D’ordinaire, j’aime bien faire mon originale, mais là-dessus, je n’échappe pas à la règle : quand je suis déprimée, stressée, fâchée, désillusionnée, excitée, je mange. J’avale, je croque, je me goinfre, je picore, je collationne, je casse la croûte, je broute, je m’empiffre. Durant les situations de crise, mon frigo est ouvert quasiment 24 heures sur 24 – ça me coûte moins cher d’Hydro l’hiver, parce que le réfrigérateur travaille moins fort pour se garder frais.

Habituellement, pendant ces périodes d’excès d’hormones et de manque d’amour, je me contente de ce que j’ai sous la main pour me rassasier; j’engouffre chips, par-dessus Gummy Bears, par-dessus soupe Lipton, par-dessus pizza froide, par-dessus restant de pâté chinois et gâteau McCain, sans me soucier de l’apport énergétique de mon menu ni de mon taux de glycémie. C’est absolument con, parce qu’à la base, je suis quelqu’un qui adore la bonne chère. Pour moi, c’est donc clairement une forme de sabotage que de volontairement mettre toutes ces cochonneries dans mon œsophage.

Dernièrement, j’ai décidé que tant qu’à être déprimée (et de plus en plus grosse, à force de m’injecter autant de calories dans le body), j’étais aussi bien de le faire avec classe en cuisinant moi-même les plats qui me servaient de substituts aux doses de sexe et d’affection que je ne recevais pas. J’ai donc jeté toutes les cannes de beans et de Paris pâté qu’il y avait dans mon garde-manger, je me suis débarrassé de la pyramide de boîtes de linguine Alfredo qui décoraient mon congélateur, j’ai mis aux poubelles ma collection de sachets de soupe en poudre Knorr et j’ai ouvert le livre de recettes du Cercle des Fermières qu’une de mes anciennes belles-mères (oui, oui, la mère d’un des salauds qui m’a jadis saccagé le buffet à volonté) m’avait donné en cadeau un Noël ou l’autre. (En fait, j’ai deux exemplaires du fameux Qu’est-ce qu’on mange? Mes belles-mères étaient vraisemblablement très inquiètes que je ne sois pas capable de sustenter leur fils-à-maman décemment.) Je n’y ai pas trouvé grand-chose d’appétissant – tout était vert, brun et en sauce.

Alors, j’ai sorti mes épices, les deux-trois légumes qui traînaient dans mon frigo et mon imagination et je me suis inventée une recette. Ma foi, le résultat fut assez étonnamment bon. Tellement que je me suis dit que je pourrais partager ma trouvaille avec d’autres mangeurs d’émotions en mal de bonne bouffe. Ça, c’est vous.

Sur ce blogue, vous trouverez donc ma vie sentimentale servie sur un plateau d’argent, accompagnée de confections culinaires de mon cru et de plusieurs détails croustillants, dans tous les sens du terme.

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Sophie B.
Montréal, Canada
J'aime les mots et j'aime la bouffe, et comme y paraît que ce n'est pas poli de parler la bouche pleine, j'écris à la place.
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